vendredi 02 avril 2010
Seigneur, vers qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Jn 6, 68
Le vendredi saint :
Célébration de la Passion du Seigneur
L'Eglise fête : Vendredi
Saint
Saint(s) du jour : St
François de Paule (1436-1508)
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Saint Augustin :
«
Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré,
s'écria : ' Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ' » (Mc 15,39)
Livre d'Isaïe
52,13-15.53,1-12.
Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s'élèvera, il sera
exalté !
La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu'il
ne ressemblait plus à un homme ; il n'avait plus l'aspect d'un fils d'Adam.
Et voici qu'il consacrera une multitude de nations ; devant lui les rois
resteront bouche bée, car ils verront ce qu'on ne leur avait jamais dit, ils
découvriront ce dont ils n'avaient jamais entendu parler.
Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? A qui la puissance du Seigneur
a-t-elle été ainsi révélée ?
Devant Dieu, le serviteur a poussé comme une plante chétive, enracinée dans
une terre aride. Il n'était ni beau ni brillant pour attirer nos regards, son
extérieur n'avait rien pour nous plaire.
Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la
souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne ; et nous l'avons
méprisé, compté pour rien.
Pourtant, c'étaient nos souffrances qu'il portait, nos douleurs dont il était
chargé. Et nous, nous pensions qu'il était châtié, frappé par Dieu, humilié.
Or, c'est à cause de nos fautes qu'il a été transpercé, c'est par nos péchés
qu'il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et
c'est par ses blessures que nous sommes guéris.
Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin.
Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.
Maltraité, il s'humilie, il n'ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à
l'abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n'ouvre pas la
bouche.
Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s'est soucié de son destin ? Il
a été retranché de la terre des vivants, frappé à cause des péchés de son
peuple.
On l'a enterré avec les mécréants, son tombeau est avec ceux des enrichis ; et
pourtant il n'a jamais commis l'injustice, ni proféré le mensonge.
Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur. Mais, s'il fait de sa vie un
sacrifice d'expiation, il verra sa descendance, il prolongera ses jours : par
lui s'accomplira la volonté du Seigneur.
A cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu'il a
connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se
chargera de leurs péchés.
C'est pourquoi je lui donnerai la multitude en partage, les puissants seront
la part qu'il recevra, car il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort, il a
été compté avec les pécheurs, alors qu'il portait le péché des multitudes et
qu'il intercédait pour les pécheurs.
Psaume
31,2.6.12-13.15-16.17.25.
En toi, Seigneur, j'ai mon refuge ; garde-moi d'être humilié pour toujours.
Dans ta justice, libère-moi ;
En tes mains je remets mon esprit ; tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité.
Je suis la risée de mes adversaires et même de mes voisins, je fais peur à mes
amis (s'ils me voient dans la rue, ils me fuient).
On m'ignore comme un mort oublié, comme une chose qu'on jette.
Moi, je suis sûr de toi, Seigneur, je dis : « Tu es mon Dieu ! »
Mes jours sont dans ta main : délivre-moi des mains hostiles qui s'acharnent.
Sur ton serviteur, que s'illumine ta face ; sauve-moi par ton amour.
Soyez forts, prenez courage, vous tous qui espérez le Seigneur !
Lettre aux Hébreux
4,14-16.5,7-9.
Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence,
celui qui a pénétré au-delà des cieux; tenons donc ferme l’affirmation de
notre foi.
En effet, le grand prêtre que nous avons n'est pas incapable, lui, de partager
nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l'épreuve comme nous, et il n'a
pas péché.
Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait
grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son
secours.
Pendant les jours de sa vie mortelle, il a présenté, avec un grand cri et dans
les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la
mort ; et, parce qu'il s'est soumis en tout, il a été exaucé.
Bien qu'il soit le Fils, il a pourtant appris l'obéissance par les souffrances
de sa Passion ;
et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui
obéissent la cause du salut éternel.
Evangile de
Jésus-Christ selon saint Jean 18,1-40.19,1-42.
Après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du
Cédron; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples.
Judas, qui le livrait, connaissait l'endroit, lui aussi, car Jésus y avait
souvent réuni ses disciples.
Judas prit donc avec lui un détachement de soldats, et des gardes envoyés par
les chefs des prêtres et les pharisiens. Ils avaient des lanternes, des
torches et des armes.
Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s'avança et leur dit : «
Qui cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen. » Il leur dit : « C'est moi. »
Judas, qui le livrait, était au milieu d'eux.
Quand Jésus leur répondit : « C'est moi », ils reculèrent, et ils tombèrent
par terre.
Il leur demanda de nouveau : « Qui cherchez-vous ? » Ils dirent : « Jésus le
Nazaréen. »
Jésus répondit : « Je vous l'ai dit : c'est moi. Si c'est bien moi que vous
cherchez, ceux-là, laissez-les partir. »
(Ainsi s'accomplissait la parole qu'il avait dite : « Je n'ai perdu aucun de
ceux que tu m'as donnés ».)
Alors Simon-Pierre, qui avait une épée, la tira du fourreau ; il frappa le
serviteur du grand prêtre et lui coupa l'oreille droite. Le nom de ce
serviteur était Malcus.
Jésus dit à Pierre : « Remets ton épée au fourreau. Est-ce que je vais refuser
la coupe que le Père m'a donnée à boire ? »
Alors les soldats, le commandant et les gardes juifs se saisissent de Jésus et
l'enchaînent.
Ils l'emmenèrent d'abord chez Anne, beau-père de Caïphe, le grand prêtre de
cette année-là.
(C'est Caïphe qui avait donné aux Juifs cet avis : « Il vaut mieux qu'un seul
homme meure pour tout le peuple. »)
Simon-Pierre et un autre disciple suivaient Jésus. Comme ce disciple était
connu du grand prêtre, il entra avec Jésus dans la cour de la maison du grand
prêtre,
mais Pierre était resté dehors, près de la porte. Alors l'autre disciple -
celui qui était connu du grand prêtre - sortit, dit un mot à la jeune servante
qui gardait la porte, et fit entrer Pierre.
La servante dit alors à Pierre : « N'es-tu pas, toi aussi, un des disciples de
cet homme-là ? » Il répondit : « Non, je n'en suis pas ! »
Les serviteurs et les gardes étaient là ; comme il faisait froid, ils avaient
allumé un feu pour se réchauffer. Pierre était avec eux, et se chauffait lui
aussi.
Or, le grand prêtre questionnait Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine.
Jésus lui répondit : « J'ai parlé au monde ouvertement. J'ai toujours enseigné
dans les synagogues et dans le Temple, là où tous les Juifs se réunissent, et
je n'ai jamais parlé en cachette.
Pourquoi me questionnes-tu ? Ce que j'ai dit, demande-le à ceux qui sont venus
m'entendre. Eux savent ce que j'ai dit. »
A cette réponse, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle
en disant : « C'est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! »
Jésus lui répliqua : « Si j'ai mal parlé, montre ce que j'ai dit de mal ; mais
si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
Anne l'envoya, toujours enchaîné, au grand prêtre Caïphe.
Simon-Pierre était donc en train de se chauffer ; on lui dit : « N'es-tu pas
un de ses disciples, toi aussi ? » Il répondit : « Non, je n'en suis pas ! »
Un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé
l'oreille, insista : « Est-ce que je ne t'ai pas vu moi-même dans le jardin
avec lui ? »
Encore une fois, Pierre nia. A l'instant le coq chanta.
Alors on emmène Jésus de chez Caïphe au palais du gouverneur. C'était le
matin. Les Juifs n'entrèrent pas eux-mêmes dans le palais, car ils voulaient
éviter une souillure qui les aurait empêchés de manger l'agneau pascal.
Pilate vint au dehors pour leur parler : « Quelle accusation portez-vous
contre cet homme ? » Ils lui répondirent :
« S'il ne s'agissait pas d'un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré. »
Pilate leur dit : « Reprenez-le, et vous le jugerez vous-mêmes suivant votre
loi. » Les Juifs lui dirent : « Nous n'avons pas le droit de mettre quelqu'un
à mort. »
Ainsi s'accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel
genre de mort il allait mourir.
Alors Pilate rentra dans son palais, appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi
des Juifs ? »
Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d'autres te
l'ont dit ?
Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les chefs des
prêtres t'ont livré à moi : qu'as-tu donc fait ? »
Jésus déclara : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait
de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois
pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici. »
Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C'est toi qui dis
que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre
témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix.
»
Pilate lui dit : « Qu'est-ce que la vérité ? » Après cela, il sortit de
nouveau pour aller vers les Juifs, et il leur dit : « Moi, je ne trouve en lui
aucun motif de condamnation.
Mais c'est la coutume chez vous que je relâche quelqu'un pour la Pâque :
voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »
Mais ils se mirent à crier : « Pas lui ! Barabbas ! » (Ce Barabbas était un
bandit.)
Alors Pilate ordonna d'emmener Jésus pour le flageller.
Les soldats tressèrent une couronne avec des épines, et la lui mirent sur la
tête ; puis ils le revêtirent d'un manteau de pourpre.
Ils s'avançaient vers lui et ils disaient : « Honneur à toi, roi des Juifs ! »
Et ils le giflaient.
Pilate sortit de nouveau pour dire aux Juifs : « Voyez, je vous l'amène dehors
pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. »
Alors Jésus sortit, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et
Pilate leur dit : « Voici l'homme. »
Quand ils le virent, les chefs des prêtres et les gardes se mirent à crier : «
Crucifie-le ! Crucifie-le ! » Pilate leur dit : « Reprenez-le, et crucifiez-le
vous-mêmes ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. »
Les Juifs lui répondirent : « Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit
mourir, parce qu'il s'est prétendu Fils de Dieu. »
Quand Pilate entendit ces paroles, il redoubla de crainte.
Il rentra dans son palais, et dit à Jésus : « D'où es-tu ? » Jésus ne lui fit
aucune réponse.
Pilate lui dit alors : « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que
j'ai le pouvoir de te relâcher, et le pouvoir de te crucifier ? »
Jésus répondit : « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l'avais reçu
d'en haut ; ainsi, celui qui m'a livré à toi est chargé d'un péché plus grave.
»
Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais les Juifs se mirent à crier :
« Si tu le relâches, tu n'es pas ami de l'empereur. Quiconque se fait roi
s'oppose à l'empereur. »
En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors ; il le fit asseoir sur
une estrade à l'endroit qu'on appelle le Dallage (en hébreu : Gabbatha).
C'était un vendredi, la veille de la Pâque, vers midi. Pilate dit aux Juifs :
« Voici votre roi. »
Alors ils crièrent : « A mort ! A mort ! Crucifie-le ! » Pilate leur dit : «
Vais-je crucifier votre roi ? » Les chefs des prêtres répondirent : « Nous
n'avons pas d'autre roi que l'empereur. »
Alors, il leur livra Jésus pour qu'il soit crucifié, et ils se saisirent de
lui.
Jésus, portant lui-même sa croix, sortit en direction du lieu dit : Le Crâne,
ou Calvaire, en hébreu : Golgotha.
Là, ils le crucifièrent, et avec lui deux autres, un de chaque côté, et Jésus
au milieu.
Pilate avait rédigé un écriteau qu'il fit placer sur la croix, avec cette
inscription : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. »
Comme on avait crucifié Jésus dans un endroit proche de la ville, beaucoup de
Juifs lurent cet écriteau, qui était libellé en hébreu, en latin et en grec.
Alors les prêtres des Juifs dirent à Pilate : « Il ne fallait pas écrire :
'Roi des Juifs' ; il fallait écrire : 'Cet homme a dit : Je suis le roi des
Juifs'. »
Pilate répondit : « Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. »
Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en
firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique ; c'était une tunique
sans couture, tissée tout d'une pièce de haut en bas.
Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, tirons au sort celui
qui l'aura. » Ainsi s'accomplissait la parole de l'Écriture : Ils se sont
partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C'est bien ce que
firent les soldats.
Or, près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la soeur de sa mère,
Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine.
Jésus, voyant sa mère, et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère
: « Femme, voici ton fils. »
Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le
disciple la prit chez lui.
Après cela, sachant que désormais toutes choses étaient accomplies, et pour
que l'Écriture s'accomplisse jusqu'au bout, Jésus dit : « J'ai soif. »
Il y avait là un récipient plein d'une boisson vinaigrée. On fixa donc une
éponge remplie de ce vinaigre à une branche d'hysope, et on l'approcha de sa
bouche.
Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis,
inclinant la tête, il remit l'esprit.
Comme c'était le vendredi, il ne fallait pas laisser des corps en croix durant
le sabbat (d'autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque). Aussi
les Juifs demandèrent à Pilate qu'on enlève les corps après leur avoir brisé
les jambes.
Des soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis du deuxième des
condamnés que l'on avait crucifiés avec Jésus.
Quand ils arrivèrent à celui-ci, voyant qu'il était déjà mort, ils ne lui
brisèrent pas les jambes,
mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en
sortit du sang et de l'eau.
Celui qui a vu rend témoignage, afin que vous croyiez vous aussi. (Son
témoignage est véridique et le Seigneur sait qu'il dit vrai.)
Tout cela est arrivé afin que cette parole de l'Écriture s'accomplisse : Aucun
de ses os ne sera brisé.
Et un autre passage dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu'ils ont
transpercé.
Après cela, Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret
par peur des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et
Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus.
Nicodème (celui qui la première fois était venu trouver Jésus pendant la nuit)
vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d'aloès pesant environ
cent livres.
Ils prirent le corps de Jésus, et ils l'enveloppèrent d'un linceul, en
employant les aromates selon la manière juive d'ensevelir les morts.
Près du lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans ce
jardin, un tombeau neuf dans lequel on n'avait encore mis personne.
Comme le sabbat des Juifs allait commencer, et que ce tombeau était proche,
c'est là qu'ils déposèrent Jésus.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Commentaire du jour :
Saint Augustin (354-430), évêque d'Hippone (Afrique du Nord) et docteur de
l'Église
Sermons sur l'évangile de saint Jean, n°2 (trad. cf E. de Solms, Christs
romans, Zodiaque 1966, p. 72s)
« Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu. » (Jn 1,1) Il est
identique à lui-même ; ce qu'il est, il l'est toujours ; il ne peut changer,
il est l'être. C'est le nom qu'il fit connaître à son serviteur Moïse : « Je
suis celui qui suis » et « Tu diras : Celui qui est, m'a envoyé » (Ex 3,14)...
Qui peut le comprendre ? Ou qui pourra parvenir à lui –- à supposer qu'il
dirige toutes les forces de son esprit pour atteindre tant bien que mal celui
qui est ? Je le comparerai à un exilé, qui de loin voit sa patrie : la mer
l'en sépare ; il voit où aller, mais n'a pas le moyen d'y aller. Ainsi nous
voulons parvenir à ce port définitif qui sera nôtre, là où est celui qui est,
car lui seul est toujours le même, mais l'océan de ce monde nous coupe la
voie...
Pour nous donner le moyen d'y aller, celui qui nous appelle est venu de
là-bas ; il a choisi un bois pour nous faire traverser la mer : oui, nul ne
peut traverser l'océan de ce monde que porté par la croix du Christ. Même un
aveugle peut étreindre cette croix ; si tu ne vois pas bien où tu vas, ne la
lâche pas : elle te conduira d'elle-même. Voilà mes frères ce que j'aimerais
faire entrer dans vos coeurs : si vous voulez vivre dans l'esprit de piété,
dans l'esprit chrétien, attachez-vous au Christ tel qu'il s'est fait pour
nous, afin de le rejoindre tel qu'il est, et tel qu'il a toujours été. C'est
pour cela qu'il est descendu jusqu'à nous, car il s'est fait homme afin de
porter les infirmes, de leur faire traverser la mer et de leur faire aborder
dans la patrie, où il n'est plus besoin de navire parce qu'il n'y a plus
d'océan à passer. A tout prendre, mieux vaudrait ne pas voir par l'esprit
celui qui est, mais embrasser la croix du Christ, que le voir par l'esprit et
mépriser la croix. Puissions-nous, pour notre bonheur, à la fois voir où nous
allons et nous cramponner au navire qui nous emporte...! Certains y ont
réussi, et ils ont vu ce qu'il est. C'est parce qu'il l'a vu que Jean a dit :
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était face à Dieu, et le Verbe
était Dieu. » Ils l'ont vu ; et pour parvenir à ce qu'ils voyaient de loin,
ils se sont attachés à la croix du Christ, ils n'ont pas méprisé l'humilité du
Christ.