lundi 21 juin 2010
Un miraculé de Lourdes : Gabriel Gargam (II)
Gargam n'avait pas la foi ; depuis quinze ans il n'était pas entré dans
une église. À la première proposition du Pèlerinage, il refusa avec
humeur.
Néanmoins, comme à l'hôpital on le menaçait d'une opération,
la trépanation des vertèbres, qu'il ne voulait pas subir, il accepta
d'abord l'idée de quitter ce lit de douleurs et cette salle de malades
où il souffrait depuis plus de vingt mois, pour rentrer dans sa
famille, où il préférait mourir. Puis, sur les instances de sa mère, il
finit par acquiescer au voyage de Lourdes.
Comme il était loyal, il reconnut que, devant participer à un
pèlerinage, il fallait s'y préparer en pèlerin. Il se confessa donc, et
le 16 août, avant le départ, il communia avec une toute petite parcelle
d'Hostie, tant il avait difficulté à avaler. Mais, disait-il, ce fut
presque sans foi.
Le voyage à Lourdes fut douloureux ; le malade était étendu
sur un brancard spécial, ayant à l'extrémité une planchette verticale
qui empêchait le drap de toucher les pieds que la gangrène dévorait. Au
départ, les secousses provoquèrent une syncope qui dura plus d'une
heure. Dès l'arrivée, il fut porté à la Grotte et y communia, mais avec
une foi encore confuse et incertaine. Il ressentit cependant aussitôt
après un mouvement intérieur qui le transforma ; il sentit le besoin de
prier, et ne le put, et les sanglots l'étouffèrent. C'était la foi
triomphante qui entrait en son âme et la transfigurait. Fût-ce une
illusion ? Il lui sembla ressentir un fourmillement dans ses jambes
insensibles. Ce fut en tout cas un pressentiment.
Louis Guérin,
Le pèlerinage de 1908
dans : Louis de Bonnières, Anthologie des meilleurs écrivains de Lourdes, 1922
Amen.