mardi 17 août 2010
Comment Marie conduisit un moine au Christ Rédempteur (I)
C’était un beau couvent bâti sur un haut plateau. Les moines de ce
couvent étaient à la fois de bons serviteurs de Dieu, de grands savants
et d’excellents laboureurs. Il y avait parmi eux un jeune religieux, du
nom de Norbert, qui était un très bon imagier. Dans le bois ou dans la
pierre, ou bien avec l’argile qu’il peignait de vives couleurs, il
savait façonner de si belles statues de Jésus, de Marie et des saints,
que les prêtres et les personnes pieuses venaient les voir de très loin
et les achetaient très cher, pour en faire l’ornement de leurs églises
ou de leurs oratoires.
Norbert était fort pieux. Il avait surtout pour la sainte Vierge une
dévotion extraordinaire ; et souvent il restait des heures devant
l’autel de l’Immaculée, immobile et prosterné sous son capuchon, les
plis de sa robe épandus derrière lui sur les dalles.
Les bons moines étaient très aumôniers ; et, comme ils étaient riches,
un jour vint où il n’y eut plus un seul pauvre dans les environs. Alors
ils résolurent de construire à leurs frais une magnifique église près
de leur couvent. Et bientôt, pierre à pierre, lentement, l’église
monta, monta vers le ciel. Il fut décidé que le grand portail serait
surmonté de la statue de saint Gengoul. Un peu au-dessus on placerait
la Vierge Marie, et, sur la pointe du pignon, Jésus crucifié.
Norbert fut chargé de sculpter les trois figures. Il tailla sans
beaucoup de zèle la figure de saint Gengoul. Puis il sculpta, dans un
bloc de granit, un Jésus en croix, haut de quatre toises. Mais, quoique
Norbert apportât à cette œuvre tous ses soins et toute sa piété, il
songeait sans cesse à la Vierge Marie, dont il devait ensuite ciseler
l’image; et il lui réservait, sans le dire, tout l’effort de son art et
de son amour.
– Et, maintenant, mon fils, lui dit le Prieur, que Dieu conduise votre
main afin que vous nous donniez une image ressemblante de la Vierge
Marie tenant l’enfant Jésus dans ses bras.
– Mais, dit Norbert, ne faut-il pas la représenter de la façon qui doit lui être le plus agréable.
– Eh bien ! fit le prieur, son plus beau titre n’est-il pas celui de Mère de Dieu ?
– Oui, répondit Norbert, mais, à mon sens, je l’honorerai mieux en la
représentant, non dans sa gloire, mais plutôt dans l’attitude des
vertus qui la lui ont méritée... Si elle se montre à nous portant un
Dieu, même enfant, comment ferons nos prières pour aller à elle et ne
point s’arrêter à lui ? Je veux la représenter les deux mains ouvertes
aux hommes. Elle ne pourrait pas les tendre si elle avait un enfant sur
les bras !
– Mon fils, ces discours sont bizarres et sentent l’hérésie. Je vous
commande de faire la statue de la Vierge Marie telle que je l’ai dit.
Norbert n’obéit point. Tout le temps qu’il travailla à la statue, il ne
voulut pas la laisser voir, sous prétexte que les réflexions de ses
frères le troubleraient et embrouilleraient ses idées. Et, seul avec
son rêve, il tailla la Vierge Marie tel qu’il l’imaginait. Longue et
drapée de grands plis, la tête inclinée vers les hommes, l’Immaculée
leur tendait ses deux mains ouvertes d’où coulent les pardons.
Lorsque les moines la virent, ils se récrièrent d’admiration ; et le
Prieur lui-même la déclara merveilleusement belle. Mais, à cause le sa
désobéissance, il condamna Norbert à jeûner pendant un mois au pain et
à l’eau.
Jules Lemaître. (1853-1914)
L’imagier
Je
vous salue, Marie pleine de grâces ; le Seigneur est avec vous. Vous
êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos
entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous
pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort.
Amen.