Sous COMMISSION LITURGIE St Jacques

lundi 15 mars 2010

Le rosier de la Vierge des Hurons (II)

Les années passèrent. Rien ne changea à l'Ancienne-Lorette, sinon que les enfants devinrent des hommes, que les vieux s'en allèrent dormir sous terre et que le rosier poussa vigoureusement ses racines dans toutes les fissures de la pierre. Moitié rampant, moitié grimpant il atteignit la niche ; quelques rameaux graciles y pénétrèrent, et bientôt entourèrent de leurs bras caressants la Vierge des Hurons qui, souriante, laissa faire, et continua de ses deux doigts levés, à montrer le ciel !

Un jour cependant on remarqua que la poussée des racines descellait la pierre de la niche et que le mortier tombait par croûtes devant la porte. Derechef, dans le village, on commença à parler du rosier. Les lavandières, en piquant le linge sur les cordes mirent la question à l'ordre du jour. Entre deux parties de dames, les rentiers la discutèrent et, en fin de compte, opinèrent pour la suppression. Plus sentimentales, la plupart des femmes, mues par ces raisons du coeur que la raison ne connaît point, prirent la défense de l'arbuste. Il leur semblait que la Vierge Fidèle en aurait du chagrin et qu'ayant elle-même suscité le rosier de la niche elle saurait bien protéger l'église.

Cette opinion cependant ne prévalut point à l'assemblée de fabrique puisque Pierre Gauvin, maître maçon, fut chargé, moyennant sept chelins et demi, de faire disparaître la cause du mal et de réparer la façade.

Il arriva un matin avec son apprenti pour commencer le travail. Pierre Gauvin aidé de son apprenti, avait appuyé sa longue échelle et il montait maintenant, son oiseau sur l'épaule, une fiche de fer entre les dents. La silhouette blanche de l'homme éclatait sous le soleil de sept heures ; le fronton de pierre de la porte centrale, les pleins cintres des fenêtres anciennes, tout riait dans la lumière ; une forte brise agitait le rosier, le faisait frémir et chanter. La Vierge, elle, semblait regarder de ses yeux immobiles la suite des maisonnettes, la rue ensablée et montante, les bouquets sombres des bois de sapins et les toitures rouges des granges semées sur les coteaux, toute la belle campagne qui se creusait en val, à ses pieds...

Le maçon avait dépassé la première corniche ; on le vit s'encadrer dans la mosaïque de la rosace. Encore quelques barreaux et il va atteindre la niche !... On entend alors un craquement sec, puis un cri, parti de vingt poitrines ! L'échelle venait de se casser par le milieu et le tronçon supérieur, pivotant autour du point de rupture, précipitait sur le gravier de la place l'homme et sa charge.

On releva le malheureux. Il avait une jambe cassée et de fortes contusions à la tête. Il fut deux longs mois au lit. Quand il sortit pour la première fois, il vit le rosier, mis en liesse par une fine brise du sud, qui le narguait de toutes ses fleurs et mettait une cocarde éclatante au front de pierre de la vieille église. Pierre Gauvin, impressionné, persuada les marguilliers de renoncer à l'ouvrage.

Et la Vierge des Hurons, de ses deux doigts levés, continua à montrer le ciel !...

Frère Marie-Victorin (Conrad Kirouac, 1885-1944)
Récits laurentiens, Québec

Je vous salue, Marie pleine de grâces ; le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort.
Amen.



16/03/2010
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